« Une politique se juge par ses résultats. » Charles Maurras

La Varende, un grand écrivain normand

Un écrivain à découvrir ou à redécouvrir !

 Jean de La Varende (1887 - 1959) naît au château de Bonneville, commune de Chamblac (Eure), le 24 mai 1887. Il est le troisième enfant, né de Marie Charles Gaston Malart de La Varende et de Laure Floriot de Langle. Son père décède quelques jours après sa naissance. Aussi, après trois ans de veuvage, sa mère, ne se sentant plus d’attaches en Normandie, quitte le Pays d’Ouche pour s’installer à Rennes dans un bel immeuble au Contour de La Motte. Jean fait, dans la capitale bretonne, ses études, qu’il terminera au collège Saint-Vincent.
En 1905, il a 18 ans. Il ressent douloureusement la loi de séparation des Eglises et de l’Etat et son corollaire : les inventaires. La république anti-religieuse, après avoir chassé de nombreuses Congrégations, avait donné l’ordre à la force publique de pénétrer, même par effraction, dans les églises et les lieux de culte pour inventorier les meubles et objets s’y trouvant. Ces pénibles événements contribueront à consolider chez La Varende son attachement aux valeurs traditionnelles dans lesquelles il a été éduqué.
 Reçu au baccalauréat, il entre à l’école des Beaux- Arts de Rennes. C’est à Paris, ville qu’il n’aima jamais, qu’il achèvera ses études dans cette filière. Jean était d’une santé fragile et d’une très vive sensibilité. Malgré son profond désir de servir sa patrie en 1914, il est réformé et sera affecté comme infirmier dans les services auxiliaires.
Jean de La Varende est aujourd'hui un auteur peu connu. Il fait l’objet de l’ostracisme des révolutionnaires de tout poil qui exercent une véritable dictature sur la littérature française. Heureusement, depuis quelque temps, des efforts méritoires sont entrepris pour le faire apprécier.



Sa biographie

 Il épouse en 1919 Jeanne Latham-Roederer, jeune veuve née d’une riche famille protestante. Femme joyeuse et enjouée, elle sera pour Jean un précieux soutien affectif. Cette bonne épouse consacrera sa force et son argent à la sauvegarde du château, de ses dépendances et de son patrimoine agricole. Elle lui donnera un fils (Eric) qu’il aima profondément. Détaché des problèmes matériels, La Varende se consacre à ses passions : peinture et maquettes de la marine à voile : plus de 200 voiliers de toutes époques fabriqués de ses mains sont toujours exposés dans le château.

 Ce n’est qu’en 1934 qu’il publie son premier ouvrage littéraire. Le 22 novembre 1939, sa femme décède. Jean en éprouve une profonde douleur. Mais il conservera la force de poursuivre son oeuvre romanesque et historique. En décembre 1942, il est élu à l’Académie Goncourt.

La guerre puis la libération ont causé peu de sinistre à son domaine de Bonneville. Mais le nouveau monde littéraire, qui s’impose en 1944 et les années suivantes, jette sur La Varende un soupçon de collaboration. Quelle vile calomnie à l’encontre d’un homme si profondément attaché à la grandeur de sa patrie ! Ce fut notamment le fait d’intellectuels de gauche qui se sont emparés de l’Académie Goncourt. Son courage et sa persévérance lui permettront de reprendre place dans la littérature française.
 Les écrivains de l’Ouest lui feront le juste honneur de l’élire à leur présidence, dans les dernières années de sa vie. Le 27 août 1948, une jeune fille de 21 ans d’une éblouissante beauté (Janine Chantreuil), grande admiratrice de l’écrivain, vient au Chamblac. Elle ne tardera pas à rester vivre avec lui et se dévouera à ses côtés pour la tenue du domaine et comme secrétaire. Quels furent, en réalité, leurs rapports ? Elle lui proposa le mariage, mais La Varende refusa par respect pour sa jeunesse. “Maria-Pia”, c’est ainsi qu’il l’appelait, fut le soleil de ses dernières années.
Le 5 juin 1959, La Varende est à Paris pour dédicacer ses oeuvres. Le lundi 8 juin, il se trouve dans son appartement 165, rue du Faubourg Saint-Honoré. A 7 heures, étouffant et sentant sa mort imminente, il appelle Maria-Pia et lui dit : “Ce ne sera pas long... Pardon... C’est fini.”. Puis il fit un signe de croix, sombra dans l’inconscience et il mourut. Les obsèques religieuses furent célébrées en l’église du Chamblac par l’abbé Mongomery-Wright, en présence du Père Abbé de l’abbaye du Bec- Hellouin (Dom Grammont). Son corps repose dans le petit cimetière à l’ombre de l’église du Chamblac.

Son oeuvre littéraire

  • Le romancier 

Le nombre de romans édités par l’écrivain normand est impressionnant. Certaines de ses publications constituent une suite. C’est le cas de : Nez de Cuir, Le Centaure de Dieu (chef-d’oeuvre justement récompensé par le prix de l’Académie Française en 1939) et Le troisième jour. Un autre leur est directement lié : Man d’Arc. Citons quelques autres romans pour mémoire : Le cavalier seul, L’homme aux gants de toile, Cœur pensif, La partisane, Le non de Monsieur Rudel, Six lettres pour un jeune prince, L’amour sacré et l’amour profane etc... tous plus passionnants les uns que les autres.

  • Le nouvelliste 

La Varende est un romancier de talent mais, plus encore, un nouvelliste de génie. Il en maîtrise particulièrement bien la construction : description des lieux et du contexte, présentation progressive des personnages et, avec un art consommé du suspense, il nous fait cheminer vers un dénouement le plus souvent imprévisible. Notre auteur rassemble dans un même livre et sous le même titre un certain nombre de nouvelles en principe autour d’un thème central. Un exemple : L’objet aimé ; tout se concentre sur un objet mobilier de collection ou d’une valeur affective. Comme les romans, les recueils de nouvelles abondent chez La Varende. Citons-en quelques-uns : Heureux les humbles ! (un véritable chef-d’oeuvre !), Amours, L’empreinte, Princes et manants, etc...

  • L’historien

 L’histoire occupe une place importante dans les travaux de l’écrivain. Voici quelques ouvrages :  Pour la Normandie : - Guillaume Le Bâtard conquérant. - Les châteaux de Normandie. - Le Mont Saint-Michel. - L’abbaye du Bec-Hellouin. - Mademoiselle de Corday, (remarquable également). - Frotté.
La liste n’est pas exhaustive.  Pour la Bretagne : - Cadoudal (qui évoque l’héroïsme, pour ne pas dire la sainteté, de ce chef chouan préparant ses compagnons de détention à la mort et la foi de Georges et de ses amis sur le chemin de l’échafaud. C’est grand et sublime !). - Suffren. - Surcouf corsaire.
La Varende a publié des vies de grands saints sous les titres suivants - Le curé d’Ars et sa passion. - Don Bosco.
Il est aussi un critique littéraire. Sous le titre : “Grands Normands : Gustave Flaubert, Barbey d’Aurevilly et Guy de Maupassant”, l’écrivain du Chamblac exerce une critique intéressante sur les œuvres de ces trois auteurs normands.


La Varende et la Normandie


 Jean de La Varende est un hobereau qui vit dans son château de Bonneville en union profonde avec les paysans (dans le sens de : gens du pays) de l’Ouche. Il connaît chaque famille de toute couche sociale. Cet amour du terroir et de ses habitants apparaît dans la plus grande partie de son oeuvre. Mais Le Pays d’Ouche, ensemble de nouvelles édité sous ce titre en 1934 (sa première oeuvre littéraire) et La Normandie en fleurs (autre recueil de nouvelles) en témoignent particulièrement.

Les deux “fois” de La Varende : Dieu et le Roi

 Pour terminer, il faut évoquer l’émouvante série de nouvelles réunies sous le titre Les Manants du Roi.
C’est un hymne à la fidélité ! Les dernières, respectivement intitulées : La fugue, L’enterrement civil, La procession, Le hobereau et La mort du chêne nous font revivre le douloureux drame de conscience consécutif à la condamnation de l’Action Française désignée, ici, sous le vocable d’Energie Nationale. C’est présenté avec beaucoup de sensibilité.
Pour La Varende, une société harmonieuse doit reposer sur deux piliers : le trône et l’autel. Si l’un des deux vient à défaillir, tout l’édifice s’écroule. Sur le plan national, les hommes sont soumis à deux paternités : spirituelle (Dieu représenté par le clergé) et temporelle (le Roi de droit divin par son sacre).
 Il en va de même sur le plan local. Dans un pays rural, les paroissiens et les vassaux sont sous la protection spirituelle du curé et temporelle du seigneur ou hobereau, tous deux leurs pères. Ces derniers leur doivent un dévouement sans faille jusqu’au total oubli d’eux mêmes.
 Voici textuellement, à titre d’exemple, ce qu’écrit La Varende pour expliquer sa conception de la noblesse (ou plus précisément du rôle du seigneur) : “Voici la noblesse : tu seras exempt de certaines corvées, tu paieras un peu moins d’impôts, on te fera honneur mais on exigera de toi que tu te maintiennes en première ligne des combattants, que tu sois fidèle, sans peur, actif, probe, généreux, la main ouverte. Que tu sacrifies ta famille, ta fortune, que tu protèges avant tout et que, loin de te faire valoir, tu restes muet sur tes mérites et ceux des tiens”.
 La Varende pour Dieu et le Roi, tel est le titre de la remarquable biographie de l’écrivain faite par Anne Brassié.
Voilà résumées, en ces quelques mots, les deux “fois” et la fidélité de ce grand auteur. C’est un aperçu, certes, mais voulu délibérément. A vous, chers lecteurs, de le découvrir.
Jean-Yves Sancier

Précisions utiles pour bien comprendre le contexte dans lequel vivait l’écrivain normand

 La condamnation de l’Action Française: Rappelons que l’Action Française (A.F.) était une ligue politique royaliste fondée à la fin du XIXème siècle. Cette ligue prit des libertés à l’égard du droit monarchique français, notamment par son soutien à la branche d’Orléans. Par suite de fausses informations adressées au Saint-Siège, Pie XI condamna l’A.F. et excommunia les membres qui lui demeurèrent fidèles. Ce fut un drame de conscience terrible car cette ligue royaliste, alors très puissante, était le seul mouvement monarchiste vraiment connu. Il existait bien un légitimisme favorable à la branche aînée d’Anjou, mais il rassemblait une poignée d’adhérents et de sympathisants et était ignoré de la quasi-totalité des Français et très probablement de Jean de La Varende.
De nombreux catholiques fervents qui oeuvraient avec tant de générosité pour leurs paroisses, patronages et écoles catholiques tout aussi profondément attachés à l’A.F. se trouvèrent privés de sacrements, moururent sans leur secours et, exclus des églises, furent enterrés civilement. Dès la première année de son pontificat (1939), Pie XII leva la condamnation et les mesures d’excommunication. L’abbé Mongomery-Wright ramène La Varende à la communion catholique.
 La condamnation de l’A.F. fut pour La Varende une très douloureuse épreuve. Il ne pouvait dissocier ses fidélités catholique et monarchique. Se sentant banni, il abandonne sa paroisse du Chamblac et assiste le dimanche à la messe à Broglie, discrètement au fond de l’église.
 En 1957, un prêtre écossais arrive au Chamblac. Il s’agit de l’abbé Mongomery-Wright. C’est lui qui convaincra La Varende de rejoindre son ancienne communauté chrétienne. Ce fut pour ce dernier une grande joie. Les deux hommes convinrent d’organiser, tous les ans, la procession de la Fête-Dieu dans le parc du château de Bonneville. Avec le décès de ce bon prêtre, survenu en 1996, cette sainte tradition a disparu.

 Il faut cependant noter que Jean de La Varende était resté de tout coeur, comme son oeuvre le prouve abondamment, profondément attaché à la légitimité et ouvertement hostile aux Orléans.

Source : La Gazette royale n° 110, 2007



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